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Cosmopolite Village

Lettre du président du Sénat adressée à la Polonia et aux Polonais établis à l’étranger au sujet de la loi sur l’Institut de la mémoire nationale

À l’occasion de la modification de la loi concernant l’Institut de la mémoire nationale, le président du Sénat Stanisław Karczewski a adressé le 7 février 2018 une lettre à l’intention de la Polonia et des Polonais de l’étranger. Il les y enjoint d’entreprendre toutes les actions nécessaires afin de rétablir la vérité historique et veiller à la bonne réputation de la Pologne et des Polonais.

MESDAMES ET MESSIEURS

LES PRESIDENTS ET MEMBRES

DES ORGANISATIONS POLONAISES ET DE LA POLONIA

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Depuis de nombreuses années les Polonais de Pologne et de l’étranger sont confrontés à l’expression blessante, injuste, et par-dessus tout erronée de « camps de la mort polonais », comme à l’accusation portée contre les Polonais d’avoir collaboré à l’Holocauste, ce qui porte atteinte à notre honneur et à notre fierté nationale.

 

Devant cette situation il est grand temps que la Pologne, libre depuis 29 ans, fasse reconnaître la vérité historique. L’adoption de la loi concernant l’Institut de la Mémoire Nationale [IPN – Instytut Pamięci Narodowej], permet de rétablir la vérité qui nous tient tous à cœur.

 

La communauté des Polonais et des personnes d’origine polonaise, vivant dans le monde entier, forte de 20 millions de personnes, a montré à de nombreuses reprises, qu’elle était capable de soutenir efficacement la raison d’Etat polonaise. Cela s’est produit notamment lorsque nous voulions rejoindre l’OTAN ou bien prendre notre place au sein de la famille des pays d’Europe. C’est pourquoi, dans le souci des intérêts de la République de Pologne, je me tourne vers vous pour vous prier de mettre en œuvre tous les moyens en votre pouvoir afin de rétablir la vérité historique.

 

En tant que peuple nous formons une communauté unie par la langue, la culture et l’histoire.

Dans la loi sur l’Institut de la Mémoire Nationale, amendé par le parlement polonais, il est écrit : «  Le fait d’attribuer publiquement et en contradiction avec les faits, à la Nation Polonaise ou à l’Etat polonais, la responsabilité ou bien la responsabilité conjointe des crimes nazis commis par le III Reich allemand […] est passible d’une amende ou d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à 3 ans ». Les termes de cette loi ne censurent en aucune façon le débat public, ils ne limitent aucunement les travaux de recherche et la création artistique. Ils visent uniquement à éliminer de la vie publique les mensonges relatifs à la prétendue collaboration de la nation polonaise, et de l’Etat polonais, aux crimes perpétrés sur le sol polonais pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Le Premier ministre, Mateusz Morawiecki, a déclaré dans son intervention : Le mensonge sur Auschwitz c’est non seulement la négation des crimes allemands mais aussi toute autre falsification de l’histoire. L’une des pires formes de ce mensonge consiste à diminuer la responsabilité des auteurs réels tout en la rejetant sur les victimes. Notre volonté est de combattre ce mensonge, sous toutes ses formes. […]  Les camps où des millions de Juifs ont été exterminés n’étaient pas polonais. Cette vérité doit être protégée car elle fait partie de la vérité sur la Shoah ».

 

La réaction de l’opinion mondiale, et plus spécialement celle des représentants des autorités d’Israël concernant l’actualisation de la loi relative à l’Institut de la Mémoire Nationale a provoqué un grand étonnement en Pologne, dans la mesure où le projet de loi était connu par toutes les parties concernées.

 

Nous attendons avec confiance le résultat des travaux du groupe d’experts convoqué par Mateusz Morawiecki et Benjamin Netanyahou, premiers ministres de Pologne et d’Israël.

 

Je suis profondément convaincu que c’est la voie à suivre pour bâtir des ponts entre ces deux nations, qui, depuis un millénaire, ont vécu côte à côte, et dont les cultures se sont réciproquement influencées.

 

La Pologne a subi, pendant la Seconde Guerre mondiale, des pertes sans précédent – 6 millions de Polonais ont perdu la vie, parmi lesquels 3 millions de Juifs polonais. Nous avons perdu une partie notable de notre territoire, nous avons subi des déplacements de populations, des déportations, les camps, le pillage de nos biens à une invraisemblable échelle, enfin la démolition de Varsovie. Nos parents ont connu la faim, la terreur, la mort partout présente, en ville comme à la campagne. Nous avons perdu notre souveraineté, et nous avons été abandonnés aux soviétiques de l’autre côté du « rideau de fer ».

 

Le gouvernement de la République de Pologne, en exil à Londres, a été le premier à informer la communauté internationale sur le sort dramatique des Juifs.  Et pourtant à cette époque, les Alliés n’ont pas donné suite aux rapports présentés par Jean Kozielewski – Karski. Le monde a écouté avec indifférence les informations qui lui étaient transmises concernant l’extermination des Juifs organisée par les Allemands hitlériens sur le territoire polonais occupé.

 

Ce n’est qu’en Pologne que toute forme d’aide aux Juifs était punie de la peine de mort pour toute famille qui s’y risquait. Malgré cela les Polonais ne sont pas restés indifférents au sort des Juifs enfermés dans les ghettos et assassinés dans les camps de concentration allemands. Beaucoup de Polonais ont perdu la vie en sauvant des Juifs. Un témoignage particulier de cette aide nous est donné par le Conseil d’aide aux Juifs appelé « Żegota », qui fonctionnait auprès de la Délégation clandestine en Pologne du gouvernement polonais en exil à Londres.

 

A côté de comportements qui nous remplissent de fierté, il y en eut qui furent déshonorants, toutefois ces derniers, en aucun cas, ne peuvent résumer l’attitude du peuple polonais. Ce furent des cas individuels, punis de mort par l’Etat polonais clandestin, et  nous les condamnons, bien entendu aujourd’hui, sans équivoque.

 

Pendant des décennies, après la Seconde Guerre mondiale, la Pologne et les Polonais n’ont  pu s’exprimer, n’ayant pas d’Etat souverain. Durant cette période nous n’avions aucun moyen d’agir sur la formation de l’opinion publique internationale, il nous était impossible de nous défendre contre les calomnies.

 

Mesdames, Messieurs,

 

La Polonia a toujours aidé la Pologne. En de nombreuses périodes de notre histoire, lors des sombres moments de l’état de guerre, elle a soutenu les efforts polonais visant à reconquérir l’indépendance et une pleine souveraineté. Elle a veillé à ce que notre voix soit entendue dans l’arène internationale. La Polonia a préservé et pris soin des valeurs polonaises – l’attachement à la liberté, aux traditions polonaises et à l’Eglise. La Pologne se souvient de ce grand engagement et elle est reconnaissante pour l’aide apportée.

 

Je suis sûr, qu’en ce moment également, nos ressortissants ne nous abandonneront pas.

 

Je crois que, patiemment, nous parviendrons à une entente avec les milieux juifs des différents pays et que nous témoignerons de la vérité concernant la Seconde Guerre mondiale.

 

Mesdames, Messieurs,

 

En tant que Président du Sénat de la République de Pologne, chargé de veiller sur les intérêts de la Polonia et des Polonais de l’étranger, je me tourne vers l’ensemble de mes Compatriotes du monde entier et les prie de documenter et de réunir tout témoignage relatif aux atrocités et aux crimes commis contre l’humanité durant la Seconde Guerre mondiale. Les derniers témoins de ces événements disparaissent peu à peu. Il convient de sauver de l’oubli leurs souvenirs attachés aux préjudices causés tant aux Juifs qu’aux Polonais, aux Roms et à toutes les autres victimes.

 

Je vous prie de documenter et de dénoncer toute manifestation d’antipolonisme, ainsi que les écrits ou opinions nous portant outrage. Je vous prie d’informer nos ambassades, nos consulats ou les consuls honoraires de toute déclaration mettant en cause le bon renom de la Pologne.

 

Je vous incite à organiser des séminaires, des expositions, des rencontres, des envois de lettres, à entreprendre toute action ayant pour but de rappeler de façon efficace la vérité historique. Je vous prie également de faire jouer vos réseaux et tous les partenaires avec lesquels vous avez noué des liens de confiance et de travail, tant au niveau des représentants de l’Etat, des autorités nationales, territoriales, que des associations, dont celles qui représentent d’autres minorités nationales, afin de diffuser des informations valables sur la Pologne et les Polonais. Mes divers contacts internationaux me confirment, à chaque fois, que nous avons à l’étranger, beaucoup d’amis fiables, prêts à entamer avec la Pologne un dialogue de partenariat et à participer à la défense du bon renom de notre Patrie. Tous les Polonais peuvent et doivent être des ambassadeurs de la polonité. Je suis convaincu que les actions entreprises dans cette intention produiront dans un proche avenir des résultats concrets et positifs, tant en faveur de la Pologne que de toutes les communautés polonaises vivant aux quatre coins du monde.

 

J’ai foi en l’efficacité de votre action pour la promotion du bon renom de la Pologne et des Polonais.

 

Respecteusement,

 

/-/ Stanisław Karczewski

 

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